6 Avril – 18 Mai 2024
Paris
Présentant une sélection de nouvelles œuvres en réponse directe à l’espace et des pièces historiques rares, cette exposition présente l’étendue de la carrière de Takesada Matsutani et le développement de sa pratique artistique magistrale.
Takesada Matsutani, artiste originaire d’Ōsaka, installé à Paris depuis 60 ans, a développé un langage visuel singulier conjuguant un répertoire de formes et de matériaux au cours des cinq dernières décennies, qu’il continue d’étoffer, à l’âge de 87 ans, au fil d’une pratique quotidienne et dynamique de l’atelier. Organisée en collaboration avec Olivier Renaud-Clément, cette exposition dans notre galerie à Paris réunit une sélection de nouvelles créations conçues en dialogue avec l’espace, parmi lesquelles une grande installation in situ pour une fenêtre, ainsi que des œuvres anciennes, rares et inédites, réalisées par l’artiste à l’époque où il travaillait au sein du groupe Gutai.
Du début des années 1960 jusqu’aux années 1970, Matsutani travaille comme membre essentiel de l’influent collectif artistique japonais d’après-guerre, Gutai. Au sein du groupe, il expérimente avec la colle vinylique dont il manipule la substance pour obtenir des formes bulbeuses et sensuelles, évocatrices de courbes et de traits humains. Après avoir appliqué la colle sur la toile, il la laisse sécher partiellement pour former une sorte de peau qu’il gonfle ensuite de son souffle à l’aide d’une paille, ou d’un sèche-cheveux ou encore d’un ventilateur, donnant ainsi une sensation de vie à la matière.
À la suite de la dissolution du groupe Gutai en 1972, Matsutani entame une nouvelle série de travaux radicaux, toutefois cohérents, inspirés par son expérience au célèbre studio de gravure de Stanley William Hayter, Atelier 17. Dans le respect de son héritage Gutai, il s’efforce d’identifier et de traduire l’essence de la colle vinylique à l’aide de graphite, qui deviendront ses matériaux de prédilection. L’artiste commence à créer des œuvres composées de vastes étendues de graphite noir métallique sur des feuilles de papier aux dimensions murales, constituées de traits individuels minutieux, dont la méthode ritualisée constitue un enregistrement temporel de ses gestes.
L’exposition présente une œuvre de la série Wave datant de la fin des années 1990, dans laquelle l’application de plusieurs couches de graphite permet à l’artiste d’expérimenter les possibilités d’expression et l’essence du matériau. Matsutani continue d’utiliser cette technique dans sa pratique quotidienne en atelier, comme en témoignent les nouvelles créations exposées, notamment Knoll (2023) et Purple 8-4-2023 (2023), qui se distinguent de sa palette habituelle de couleurs monochromatiques par la présence de verts et de violets profonds et sombres.
Matsutani propose une installation in situ conçue pour les fenêtres du rez-de-chaussée de la galerie, dans laquelle la toile fabriquée en grand format interagit délicatement avec la lumière qui pénètre à l’intérieur du lieu. Au fil de ses installations, il est resté fidèle à son passé, revisitant les traditions de son pays tout en adoptant une approche radicale pour rompre avec les conventions artistiques.
« L’idée était de travailler en trois dimensions, sur la toile. Une sorte de forme organique ».—Takesada Matsutani
Work 65-W
1965
Deux œuvres rarement exposées réalisées par Matsutani en 1965, Work 65-W et Work 65-D, illustrent ces premières expérimentations : les formes tactiles sur la surface picturale rappellent des ballons dégonflés, ainsi que des connotations corporelles. Plexiglas Box (1966) poursuit cette technique, non pas sur la toile comme on pourrait s’y attendre, mais véritablement en trois dimensions, un cas unique parmi ses recherches en matière d’objet et de sculpture. Ici, l’artiste a placé une forme bulbeuse sur cinq faces intérieures d’un cube transparent, de sorte que les morceaux de la colle fragile et boursouflée se compriment et viennent se rencontrer au centre. Confinées dans le plexiglas, les protubérances rondes et épidermiques de Matsutani, jouent sur les oppositions – dur et mou, transparent et opaque, organique et géométrique.
La tactilité de la colle vinylique ne cesse d’inspirer Matsutani, bien qu’aujourd’hui, sa méthode mette davantage l’accent sur la méditation et le processus. Éprouvant une grande affinité avec la philosophie zen, l’artiste cherche à arrêter le temps, à matérialiser un moment suspendu et à apprécier la répétition et la fluidité du quotidien à travers sa pratique aux multiples facettes. Ces notions sont matérialisées dans l’œuvre récente Suspend (2023), où l’on retrouve l’une de ses formes de bulles de vinyle amorphes distinctives, pendue à un cordon fixé sur la toile et maintenue par un mécanisme fait de bois. Associant ce processus d’introspection continue à une pratique intrépide de l’expérimentation, Matsutani transgresse l’idée même de la peinture.
Dans « Life to Matter » — article de couverture du numéro 9 d'Ursula — Takesada Matsutani et Kate Van Houten souviennent de leurs débuts en tant qu'artistes à Paris avec Désirée Moorhead-Hayter, Olivier Renaud-Clément et Anders Bergstrom.
Le Prix Matsutani, une initiative du fonds de dotation de la Fondation Shōen, a été lancé en 2016 par les artistes Takesada Matsutani et Kate Van Houten, avec pour vocation de soutenir les artistes et leurs œuvres. Samta Benyahia, lauréate du Prix Matsutani 2023, a reçu 15 000 €, aux côtés de Claudie Titty Dimbeng qui a été récompensée par le Prix d’Achat, soit un prix d’acquisition supplémentaire de 5 000 €. Leurs œuvres seront exposées à l’Institut national d’histoire de l’Art (INHA) avec celles d’autres artistes finalistes, sélectionnées par Alicia Knock, conservatrice, cheffe du service de la création contemporaine et prospective au Centre Pompidou, du 7 mars au 18 mai 2024.
Image: Kate Van Houten et Matsutani dans son studio à Paris en juillet 2023. Photo : Laura Stevens
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