Francis Picabia

Éternel recommencement / Eternal Beginning

18 janvier – 12 mars 2025

Paris

Nous présenterons à Paris, en collaboration avec le Comité Picabia, et conçue par Beverley Calté et Arnauld Pierre, s’attache à l’ultime étape de l’oeuvretout en volte-face de Picabia, du retour à Paris de l’artiste en 1945 jusqu’à l’année précédant sa mort, en 1953. Plus de 40 oeuvres permettent de prendre la mesure d’une période d’une grande radicalité, qui voit le peintre congédier la plastique érotique des nus féminins de la période précédente au profit de formes abstraites et d’une approche nouvelle de la texture des surfaces. L’exposition – la première de cette envergure à porter directement sur la période – sera ensuite montrée chez Hauser & Wirth New York, 22nd Street, du 1er mai au 25 juillet 2025.

Ce dernier rebondissement dans l’œuvre de Picabia, dont la carrière prolifique est marquée du sceau du changement et d’une « alternance déroutante de styles et de manières » (Arnauld Pierre), se traduit par un langage visuel inédit et une conception toute personnelle de l’abstraction. Mais il atteste aussi sa fidélité foncière à un principe et une méthode qu’il a poursuivis à travers toutes ses métamorphoses : le recours à un matériau visuel préexistant. Qu’il s’agisse du vaste et hétéroclite réservoir d’images où il puise allègrement, comme de sa propre peinture, qu’il n’hésite pas à recycler.

Picabia dans son appartement du 26 rue Danielle-Casanova, Paris, v. 1948 – 1949; Vue de l’atelier de Picabia à Paris. Cliché publié dans Raymond Bayer, Entretiens sur l’Art abstrait, Genève, Éditions Pierre Cailler, 1965,p. 256 – 257

En 1945, Picabia regagne Paris dans un contexte difficile, marqué par des contraintes économiques et artistiques. Un nouveau départ s’impose. Aussi le peintre semble-t-il renouer avec l’« anti-peinture » dada de jadis. Les témoins les plus spectaculaires de cette résurrection sont la série des Points, que la critique devait, dans sa majorité, accueillir très fraîchement. Tels ce « Silence » de 1949, ou encore ces « Six points » de la même année : une poignée de confettis, comme une parodie de constellation, sur un fond monochrome que troublent seulement des phénomènes de surface, comme une agitation de courants ou les stigmates de l’usure.

Pour autant, Picabia n’est pas un solitaire. Le dimanche, il ouvre son atelier à Henri Goetz, à Christine Boumeester, Raoul Ubac, Jean-Michel Atlan, Georges Mathieu… Ses hôtes s’efforcent, notamment au Salon des Surindépendants, de frayer une troisième voie entre les acquis du surréalisme et les exigences de l’abstraction. Mais l’adhésion du peintre n’est pas évidente. Reste qu’en dépit d’un tempérament qui tolère mal la réduction aux étiquettes de groupe, Picabia est, dans l’après-guerre, volontiers placé dans l’orbite des « informels ».

‘Picabia a obstinément suivi sa propre voie, caractéristique de son individualisme provocateur et de son indifférence à l'égard des tendances du moment.’—Beverley Calté

Et sa peinture accuse au moins un trait susceptible de fonder ce rapprochement : le traitement de la matière. Un parti pris qui transparaît, par exemple, dans « Rapport avec les vertus » (1949) et ses zones colorées diversement foncées qui refusent l’uniformité étale de l’aplat, ou dans ce « Colloque », de 1949 également, avec les plissures de la peinture et le relief de ses empâtements.

Mais Picabia suit toujours sa propre voie. Et l’après-guerre ne déroge pas à la règle : sa technique éprouvée – cette démarche consistant à ponctionner, emprunter et assimiler – est toujours mise à contribution. L’exposition permet, en particulier, de soulever la question de la nature et du rôle du « primitivisme » tel qu’il se manifeste alors dans les peintures de Picabia. Ce tropisme vers des origines mythifiées, ce magnétisme exercé par les arts « premiers », peut revêtir la forme attendue d’une ouverture aux leçons et aux modèles du continent africain ou de l’Océanie.

Or, le masque est, précisément, un motif cher à Picabia : qu’on songe, à titre d’illustration, à cette forme crânienne qui se gonfle en ampoule et qu’une rainure en Y distribue en trois secteurs ( « Niagara », vers 1947). La présence du masque permet en passant de rappeler que cette dernière phase de l’oeuvre de Picabia, souvent qualifiée d’« abstraite », ne l’est pas « stricto sensu ». Outre les formes de masques, il y aussi « Villejuif [I] », une huile sur bois de 1951, et dont la puissance de suggestivité, la force d’évocation émotionnelle est indéniable.

L’espèce d’iconothèque où se sert Picabia n’est pas restreinte aux ailleurs des lointains géographiques. L’art roman catalan constitue, avec la préhistoire, un des pôles d’élection de l’artiste. Et dans la catégorie des emprunts, il faut compter également les « auto-emprunts » : les repeints, tel ce « Elle danse » (1948). On remarquera que Picabia s’empare aussi des mots, s’approvisionnant, pour ses titres, auprès de Nietzsche. « Cherchez d’abord votre Orphée ! » (1948) ou « Le négateur du hasard [?] » du hasard sont ainsi tirés du « Gai Savoir ». Rien d’étonnant : Picabia, jusqu’à la fin de sa vie, n’a obéi qu’à sa propre morale et ses propres règles en matière esthétique.

De Hauser & Wirth Publishers

FRANCIS PICABIA: ÉTERNEL RECOMMENCEMENT / ETERNAL BEGINNING

Préfacé par Beverley Calté et comprenant des essais des historiens de l’art Arnauld Pierre et Candace Clements, le livre se penche sur la dernière période de créativité et d’expérimentation de Picabia.

Exposition à Paris

La galerie est ouverte du mardi au samedi, de 10 h à 6 h. Entrée libre sans réservation. Veuillez consulter notre site web de la galerie à Paris pour préparer votre visite.

À propos de l’artiste

Francis Picabia

Francis Picabia was born François Martinez Picabia in Paris, to a Spanish father and a French mother. After initially painting in an Impressionist manner, elements of Fauvism and Neo-Impressionism as well as Cubism and other forms of abstraction began to appear in his painting in 1908, by 1912 he had evolved a personal amalgam of Cubism and Fauvism. In 1915—which marked the beginning of Picabia’s machinist or mechanomorphic period—he and Marcel Duchamp, among others, instigated and participated in Dada manifestations in New York. For the next few years, Picabia remained involved with the Dadists in Zurich and Paris, but finally denounced Dada in 1921 for no longer being ‘new.’ The following year, he returned to figurative art, but resumed painting in an abstract style by the end of World War II.

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